RITE STANDARD DECOSSE
Le rite Standard d?Ecosse se distingue des autres maçonneries de langue anglaise sous deux aspects :
1) cest un rituel travaillé par coeur par lensemble des Frères dune Loge ;
2) il entretient un rapport essentiel avec le Degré complémentaire de la marque.
La transmission par coeur est répandue en maçonnerie. Autrefois, les tailleurs de pierre des cathédrales ont pu employer la transmission orale pour protéger leurs secrets de métier.
Cela se dit : « je ne sais ni lire ni écrire » et signifie que la parole transmet autrement que lécriture.
En pratique la transmission par coeur sert une construction commune de symboles. En effet lobjectif concret des Frères en Loge consiste à construire une cérémonie harmonieuse et consistante pour lédification dun profane.
Tâche opérative, on le voit, qui présente lavantage de pouvoir être atteinte simplement. De plus apprendre un texte par coeur est un travail simple et personnel. On insiste souvent sur la première étape, celle de la mémorisation, qui exige un effort ; cest oublier la seconde, celle de la restitution orale, qui provoque cette émotion, naturelle, liée à la prise publique de parole.
En ce sens, la maçonnerie par coeur apparaît déjà comme une école de la parole.
Le Standard procède par dialogues et exhortations, comme les autres rites. Il est dépourvu de la notion de mise à lépreuve du Candidat. Cest-à-dire : pas dépreuve physique ni de travail intellectuel, ou ce qui en tient lieu symboliquement ; les Frères cherchent seulement à sentendre autour dune parole rituelle. Le texte Standard ressemble ainsi beaucoup aux rites Emulation, Californien ou Nova Scotia, également pratiqués en France. Toutefois dans les Loges qui travaillent par coeur, ce sont les officiers, surtout le vénérable maître, qui disent le rituel. Leur tâche en est dautant plus lourde.
La démarche Standard consiste au contraire à simplifier le travail en le partageant entre tous. Cest là son premier trait distinctif.
« Standard » mais pas standardisé
Le nom Standard désigne le type de rituel utilisé par les nombreuses Loges qui composent la Grande Loge dEcosse. Sous limpulsion du R.F. Jean-Claude Desbrosse(V), il a été traduit en français en 1985 par les Frères de la Loge Gislebertus n° 478 à lOrient dAutun à partir des manuels suivants :
- The «Standard» ritual of Scottish Freemasonry, Edinburgh, 1969.
- The Scottish workings of Craft Masonry, Londres, 1967.
- Scottish Craft Ritual Edinburgh, 1954.
Ces trois textes peuvent être considérés comme des variantes dun seul Rituel, celui pratiqué dans les loges dEcosse. Le terme standard na dailleurs de sens que comme adjectif et non comme nom propre, il ne désigne pas tel rituel plutôt que tel autre : les Ecossais ont le sentiment de pratiquer un seul et même rituel, décliné en autant de variantes quil existe de Loges.
On ne doit pas donc y voir un rituel «standardisé» car dans la pratique bien des différences subsistent dans les coutumes de différentes Loges prises au hasard. On a tenté au XIX° siècle, en Ecosse comme en Angleterre, de niveler les coutumes des Loges, sans toujours y parvenir (voir Report of the committee appointed by the Grand Lodge of Scotland to inquire into the Knocks and Essentials in use in Lodges of Scottish Freemasonry (1899-1901)).
Aidés de leur propre expérience et conseillés par des membres de la Grande Loge dEcosse, les traducteurs ont établi une version relativement complète du rituel, en conservant des éléments parfois jugés facultatifs. On admet généralement que le Rituel pratiqué en Ecosse est la forme la plus opérative et par conséquent la plus ancienne et la plus proche des origines. Une preuve évidente : cest le rituel de la plus ancienne Loge connue au monde, la Loge mère Kilwinning n° 0 (Number Nothing, Scottish Constitution), fondée avant 1598.
Cest également un rituel très répandu : outre les mille deux cents Ateliers de la Grande Loge dEcosse, le Rituel Standard a inspiré les rituels des Grandes Loges fondées avec le concours de celle-ci, par exemple la Grande Loge dIsraël (voir la cérémonie dOuverture des Travaux du rituel en français utilisé par la Loge La Lumière n° 42). Il a également influencé les rituels pratiqués aux Etats-Unis.
Lesprit du rite : laccueil
Le Rituel Standard peut être défini laconiquement de la façon suivante : très proche des rituels anglais, il est pratiqué dans un esprit totalement différent. Lesprit standard, moins formaliste que lesprit «Émulation», connaît un commandement majeur : tout faire pour que chacun se sente accueilli chaleureusement et dans une ambiance de grande confiance.
Dans le Temple, les visiteurs sont reçus un à un par le Directeur des Cérémonies et présentés au Vénérable. Ils sont vivement applaudis par les Membres de lAtelier. Un Candidat est reçu dans le même esprit : il nest ni brusqué ni mis à lépreuve ; tout est fait au contraire pour que la rigueur cérémonielle ne le mette pas mal à laise. A la fin de la Cérémonie, il est également applaudi.
Les trois Grandes Lumières de la Franc-Maçonnerie sont placées sur lAutel vers le Centre de la Loge, et ceci indique que le rituel va droit à lessentiel.
La Tenue ordinaire comporte la Réception des visiteurs, lOuverture des Travaux puis les affaires administratives. LInitiation, le Passage ou lÉlévation viennent ensuite, immédiatement suivis de la Fermeture des Travaux.
La raison de cet ordre du jour est évidente : le coeur de la Tenue, cest la Cérémonie. Rien ne doit donc rompre la continuité du cérémonial sinon la Fermeture rituelle des Travaux.
Comme le rituel est exclusivement opératif, il ne comporte aucune allusion alchimique, chevaleresque ou hermétiste, toutes ces composantes ayant été introduites dans certains rituels maçonniques au cours du XVIII° siècle et presque exclusivement en Europe continentale.
On comprend donc quil ny ait jamais de «planches» dans les Loges travaillant au Rituel Standard, et quaucun travail spéculatif ne conditionne les augmentations de salaires. Mais cependant, ce rituel est très exigeant, car il doit être travaillé à un point tel quil habite le coeur et la mémoire du Franc-Maçon, le transformant ainsi en véritable initié.
Le Maçon qui ne connaît pas par coeur et ne pratique pas spontanément son rituel nest, au Rituel standard, «pas dans le coup». Les Cérémonies sont ainsi dites par coeur, à lexclusion toutefois des prières et des textes tirés des Ecritures, qui sont lus.
Le Vénérable Maître conduit les Travaux jusquà la transmission des Secrets ; les textes suivants sont dévolus à dautres Frères, sans préséance dancienneté ou doffice. Les chants jouent un rôle important dans la Cérémonie, ils en ponctuent les principales étapes.
Pour quun Maçon puisse travailler, il doit être en possession des outils maçonniques : les augmentations de salaires sont attribuées de manière régulière, à intervalle denviron deux ou trois mois, de sorte quun Candidat initié en début dannée maçonnique est élevé en fin dannée ; en effet, laugmentation de salaire ne représente pas une récompense, ni son absence une sanction, mais une étape normale du déroulement annuel du Rite .
En Écosse, le Tablier indique la Loge à laquelle on appartient : il en existe donc une très grande variété. En France, le Tablier indique le Rite ou Rituel que lon pratique : le Tablier Standard tel quil a été défini en accord avec les autorités de la Grande Loge Nationale Française est garni de tartan «Royal Stuart».
Il se porte par-dessous la veste. Dans lexercice de leur fonction, les Officiers portent en outre des gants blancs. Le mobilier de la Loge est réduit à sa plus simple expression ; en particulier, les plateaux sont absents (sauf celui de Secrétaire) : le Vénérable et les Surveillants disposent dun petit meuble juste assez large pour poser une colonne, un maillet et un heurtoir. LAutel nest pas à lOrient mais vers le Centre de la Loge.
La Marque
Le second trait essentiel du rituel concerne le Degré de la Marque. Ce Degré, on le sait, expose lachèvement de la construction du temple, il est opératif. Aussi les maçons dEcosse le tiennent-ils pour un élément essentiel du symbolisme maçonnique : le Degré de la Marque, comme lexplique leur rituel, provient de lancienne cérémonie de compagnon, dont il sest accidentellement détaché.
Avant dentrer dans le détail, quelques remarques. Les maçons dEcosse pratiquent la Marque en Loge bleue (ou en Chapitre, mais pour des raisons historiques tardives que nous laissons de côté) de la façon suivante : les Candidats sont initiés en automne, passés au Degré de compagnon en hiver et élevés au sublime Degré de maître maçon au printemps ; il leur est ensuite proposé, en mai, de choisir leur marque de tailleur de pierre.
On note dés à présent que la carrière symbolique dun Candidat se trouve effectuée en une année. Pourquoi, dira-t-on, le Candidat progresse-t-il ainsi ?
Pour des raisons didactiques : à linitiation, le Candidat est admis dans un lieu neuf. Pour quil puisse sy orienter, les outils lui manquent. Ces outils lui seront attribués par les cérémonies des 2° et 3° Degrés et par lavancement à la Marque.
En Ecosse, les passages de Degrés sont effectués de manière continue pendant la première année, pratique fidèlement suivie en France depuis ladaptation du rite Standard.
Il reste à montrer que la maçonnerie de lEcosse présente une originalité cruciale par rapport à la pratique anglaise.
Selon les statuts définis à Londres au début du XIX° siècle, la "pure et ancienne maçonnerie se compose des trois Degrés symboliques dapprenti, compagnon et maître maçon, ainsi que du Degré dArche Royale".
Cette définition structure toute larchitecture maçonnique et dans la réalité, chaque Grande Loge sadjoint un Grand Chapitre qui administre lArche Royale.
Par ailleurs la Grande Loge Unie dAngleterre reconnaît officiellement une juridiction autonome pour la Marque.
LEcosse considère bien plutôt que la maçonnerie comporte certes les trois Degrés symboliques mais que le Degré de compagnon comprend le Degré de la Marque.
Parallèlement elle reconnaît une juridiction autonome pour lArche Royale.
Autrement dit chaque tradition admet de jure le même corpus de Degrés, mais les distribue différemment.
Il y a donc lieu de distinguer lessentiel (le corpus) et laccidentel (les institutions).
Quen est-il à présent du contenu des deux Degrés complémentaires ?
Les évènements mis en scène à la Marque (la pose de la Pierre dAngle) sont chronologiquement antérieurs à ceux décrits à lArche Royale (la substitution du Nom).
Il sensuit que les francs-maçons dEcosse sont mieux à même dappréhender la structure des Degrés, parce quils leur sont présentés dans lordre.