RITE ECOSSAIS RECTIFIÉ
Le Rite Ecossais Rectifié et le Régime qui lui sert de vecteur se caractérisent par une cohérence exceptionnelle due au fait quils ont été élaborés en France à la fin du XVIIIe siècle par des francs-maçons qui avaient une idée extrêmement précise du résultat final recherché et qui ont su manier avec une très grande habileté des matériaux symboliques et rituels dorigines différentes pour en faire naître une œuvre homogène pédagogique initiatique.
Souvent souligné le caractère chrétien de ce Rite tient à ses références doctrinales et aux valeurs quil met en exergue ; il ne sagit pas dune allégeance confessionnelle ou dun conditionnement aux dogmes dune religion particulière. Par essence un Rite maçonnique se situe dans une perspective ésotérique qui transcende toutes les concrétisations particulières du fait religieux et qui « rassemblant ce qui est épars vise à conduire lhomme vers lunité du Principe.
Ce propos liminaire va être explicité dans les développements qui suivent sur la genèse et la doctrine du Rite ; nous donnerons ensuite un aperçu sur lorganisation actuelle du Régime Ecossais Rectifié.
LA GENESE DU RER
Le contexte maçonnique français
La Franc maçonnerie spéculative sest installée en France à partir de 1725 ; elle sy caractérise rapidement par une floraison anarchique de « hauts- grades » et lexploitation mercantile du goût des mystères : ouvrir une loge, imaginer des rites donnant un accès progressif à de mystérieux secrets pouvait savérer fort lucratif pour de pseudo-maîtres peu scrupuleux exploitant la crédule attente de leurs affiliés.
En 1738, le célèbre discours du Chevalier Ramsay (1686-1743) soutint que la franc maçonnerie date des croisades et de la chevalerie « les fatals désordres de la religion qui embrasèrent lEurope et la déchirèrent au XVIe siècle firent dégénérer lOrdre de sa noblesse et de ses origines » ; ses principes ont été conservés en Ecosse et « il ne sagit plus que de tout ramener à la première institution » plaidait Ramsay. On comprend laudience quun tel discours pouvait avoir en France au sein des milieux jacobites partisans des Stuarts détrônés.
Le siècle des lumières de la Raison fut aussi celui de lilluminisme, à qui les loges maçonniques offraient un cadre de choix. A ce sujet, Joseph de Maistre (1753-1821), lui-même membre éminent du RER notait : « Je ne dis pas que tout illuminé soit franc-maçon, je dis seulement que tous ceux que jai connus, surtout en France, létaient ».
En 1760 un mystagogue qui dit sappeler Martines de Pasqually (c.1710-1774) apparait dans des loges militaires du midi de la France. Il fonde à Bordeaux lordre des Elus Coens. René le Forestier écrira à son sujet : « Il fut sans conteste un aventurier qui demandait, comme tant de ses congénères le faisaient alors, à lexploitation des secrets maçonniques et de loccultisme ses moyens dexistence ; pourtant on ne peut le considérer comme un vulgaire imposteur ; sa connaissance des doctrines hermétiques et kabbalistiques était réelle ». Avec le concours de son secrétaire, le philosophe inconnu Louis-Claude de Saint Martin (1743-1803), Martines de Pasqually rédige à partir de 1771 le Traité de la réintégration des êtres dans leurs primitives propriétés vertus et puissances spirituelles divines
Lorigine de la maçonnerie rectifiée
En 1754, le baron de Hund (1722-1776) a fondé à Dresde en Allemagne une maçonnerie chevaleresque ayant pour finalité la restauration de lOrdre du Temple. Voulant reconstituer les anciennes provinces templières, la Stricte Observance Templière (SOT) noue des contacts étroits avec des loges françaises ; en 1773 sont installés les directoires des provinces templières de Bourgogne (à Strasbourg), dAuvergne (à Lyon) et dOccitanie (à Montpellier)
Jean-Baptiste Willermoz
Ce grand maçon lyonnais (1730-1824) a été initié à lâge de 20 ans. Il rencontre Martines de Pasqually en 1767 et, séduit par la personne et la doctrine, devient lun de ses disciples. Animateur des Elus Coens de Lyon, il devient également Chancelier de la province dAuvergne de la SOT.
Conscient de la nécessité dune profonde réforme de la maçonnerie, J-B Willermoz va être le principal instigateur avec Jean de Turckeim du renouvellement de lOrdre et de la création du Rite Ecossais Rectifié .
Le Convent des Gaules
Il se tint à Lyon du 25 novembre au 10 décembre 1778 et ratifia le Code maçonnique des Loges réunies et rectifiés et le Code des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte fondant ainsi dans le berceau de la SOT le Régime Ecossais Rectifié. Le rattachement historique à lOrdre du Temple et la revendication temporelle en résultant, points phare du système de la SOT, étaient abandonnés et remplacés par laffirmation dune filiation spirituelle. Les décisions du Convent de Lyon seront confirmées en 1782 par celui de Wilhelmsbad.
LES SOURCES DU RER
Du bref historique qui précède on peut relever quatre sources:
Sources formelles :
- la maçonnerie pratiquée en France au XVIIIe siècle (proto-rite français) dont sont issus des éléments rituels et la tradition maçonnique reprise par le RER
- La Stricte Observance Templière qui a fourni le modèle organisationnel du Régime en six grades.
Sources spirituelles :
- la doctrine ésotérique de Martines de Pasqually (Traité de la Réintégration, rituels, règlements et correspondances des élus coëns)
- la tradition chrétienne originelle, nourrie des enseignements des pères de l'Eglise
LA DOCTRINE DU RER
J-B Willermoz était convaincu que le but réel de la maçonnerie est « déclairer lhomme sur sa nature, sur son origine et sur sa destination ».
Le Traité de la Réintégration expose que lhomme fut originellement conçu comme un être purement spirituel émané du Principe Divin « à limage et à la ressemblance » de Dieu. Tenté par les esprits mauvais placés sous sa garde, il accomplit par orgueil des actes interdits et est condamné à la chute dans la matière. Revêtu dun corps corruptible il est désormais séparé de lunité du Principe ; sa double nature - matérielle et spirituelle le soumet à un conflit entre ses aspirations spirituelles et les chaînes de la matérialité. Mais lhomme de désir cherche à obtenir sa réintégration dans son état primitif et à recouvrer son corps de gloire.
Tel est le fondement doctrinal du RER ; qui enseigne au nouvel apprenti maçon que « lhomme est dégradé mais il lui reste des moyens suffisants pour obtenir dêtre rétabli dans son état originel et le maçon doit apprendre à les employer ».
Cest cela qui va être mis en œuvre tout au long du cheminement initiatique du franc maçon rectifié qui ne sera considéré comme véritablement initié quà lissue du parcours ; en attendant, il est simplement reçu dans les grades symboliques successifs.
Au RER les voies de la réintégration sont celles de « la Sainte Religion Chrétienne » à laquelle le récipiendaire sengage à être fidèle. Car le Christ, le Verbe créateur qui sest incarné pour apporter aux hommes la Lumière, qui est « la voie, la vérité et la vie », le Christ rédempteur et « ressuscité dentre les morts » est le modèle du maçon rectifié qui prononce ses engagements sur la Bible, ouverte au prologue de lEvangile de saint Jean.
« Professe en tous lieux la divine Religion du Christ et ne rougis jamais de lui appartenir. LEvangile est la base de nos obligations ; si tu ny croyais pas tu cesserais dêtre maçon » prescrit la Règle Maçonnique, en neuf articles, du RER (Cf. supra).
LES ETAPES DE LA REALISATION SPIRITUELLE AU RER
A linstar des autres voies maçonniques, Le RER procède par étapes ; à chaque grade le rituel des cérémonies, complété par une instruction morale et un catéchisme par demandes et réponses, délivre un enseignement progressif. La spécificité du rite réside dans sa construction : chaque grade fait allusion à ce qui va suivre ensuite, de même que chaque grade donne les clés du précédent et le rend nécessaire à la complète compréhension - ou plutôt intégration profonde - de ce qui a précédé. De cette méthodique imbrication résulte une permanente interpellation du cherchant, une invitation à revenir sur lacquis, à le reformuler et lenrichir. Ce travail saccomplit dans son for intérieur et dans léchange avec ses frères. Il y a de la maïeutique socratique dans ce processus, la connaissance approfondie de soi devant conduire lhomme de désir à découvrir le maître intérieur (qui constitue sa véritable essence) et à lui donner sa pleine dimension lorsque les vaines prétentions de lego auront été réduites à néant.
Pour ce travail Le Rite propose les traditionnels outils symboliques de la maçonnerie et des récits historiques ou mythiques tirés de lAncien Testament en mettant un accent particulier sur la tripartition, « union presque inconcevable qui est en vous de lesprit, de lâme et du corps qui est le grand mystère de lhomme et du maçon figuré par le temple de Salomon ».
Il nest pas de réalisation spirituelle sans perfectionnement moral et le maçon rectifié sengage à pratiquer constamment parmi les hommes les vertus que lOrdre exige. Lexigence de bienfaisance est particulièrement soulignée (« tout être qui souffre ou gémit a des droits sacrés sur toi ») et le principe évangélique « Aime ton prochain comme toi-même » est un devoir essentiel pour le maçon rectifié.
Le Régime comprend les trois grades maçonniques de base, seuls pratiqués à la GLNF, apprenti, compagnon, maître- mais, spécificité du RER, cest au quatrième (celui de Maitre Ecossais de Saint André) que se termine linitiation maçonnique. La classe symbolique du régime est donc constituée de quatre grades.
Le Maître Ecossais de Saint André doit consacrer quelques années à poursuivre la mise en œuvre de sa réalisation spirituelle avant daccéder à lOrdre intérieur qui constitue la classe chevaleresque du Régime.
LOrdre intérieur comprend un grade préparatoire, celui dEcuyer Novice et le grade ultime du Régime qui donne le titre de Chevalier bienfaisant de la Cité Sainte. La classe sacerdotale des Profès et Grands Profès proposée par J-B Willermoz na pas été entérinée par le convent de Wilhelmsbad.
Durant au moins deux ans, lEcuyer Novice doit travailler sur sa profession spirituelle et faire émerger en lui dans des termes héraldiques son identité essentielle qui sexprimera par son blason, sa devise et son nom dOrdre. Sil parvient à établir sa maturité spirituelle en conformité aux exigences de lOrdre, lEcuyer Novice sera armé Chevalier au cours dune cérémonie conduite selon lancienne tradition de la Chevalerie ; à défaut il sera rétrogradé dans la classe symbolique.
Le Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte imprégné de la doctrine de lOrdre se voue au service de Dieu de ses frères et de tous les hommes, pratique une bienfaisance active et poursuit dans la sérénité sa quête intérieure jusqu au terme de sa vie terrestre.
LE RER A LAUBE DU XXIe SIECLE
Le RER connut au XIXe siècle une longue éclipse excepté en Suisse de sorte que le Grand Prieuré Indépendant dHelvétie devint le Conservateur du Régime dans le monde.
Réveillé en France en 1910 par Edouard de Ribeaucourt, le RER sera en 1913 avec la Loge Le Centre des Amis n°1 à lorigine de la restauration de la maçonnerie régulière en France par la fondation de la Grande loge Nationale Indépendante pour la France et les Colonies qui deviendra la Grande Loge Nationale Française.
Le grade de Maître Ecossais de Saint André est régi par le Directoire National des Loges Ecossaises Rectifiées de France (DNLERF)
LOrdre intérieur est régi par le Grand Prieuré Rectifié de France. (GPRF)
Ces deux juridictions sont liées organiquement par un concordat plaçant le DNLERF sous lobédience du GPRF ; la GLNF entretient avec elles des liens damitié.
On pourrait sinterroger sur la pertinence, à notre époque post moderne, de références à lidéal chevaleresque et à la tradition chrétienne. Cependant la quête de sens et de références spirituelles sont plus que jamais vivaces et les valeurs portées par le RER sont toujours actuelles. Ouvert sans exclusive à tout homme de désir dès lors quil accueille, quelle que soit sa confession, le message évangélique originel, le RER propose une authentique voie initiatique de réalisation spirituelle permettant de retrouver létat dunité dans le principe divin et en lui la pacification de notre être, but réel de toute voie initiatique traditionnelle.
lien vers la juridiction du Régime Ecossais Rectifié - Grand Prieuré Rectifié de France